Longtemps resté silencieux après sa démission du RPG Arc-en-ciel (ancien parti au pouvoir) en septembre 2020, Elhadj Sékou Savané « Le Lion » décide de briser le silence. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il se penche sur plusieurs questions d’actualité nationale dont le dialogue politique entamé sous la présidence du Premier ministre, le récent limogeage du préfet de Siguiri, et les ennuis du président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo. Lisez !
Mediaguinee : Le président de la transition, colonel Mamadi Doumbouya a récemment dissout le conseil communal de Siguiri. En tant sage de cette ville, quelle appréciation faites-vous de cette décision ?
Elhadj Sékou Savané : En ce qui concerne cette dissolution, j’aimerais que le gouvernement explique le motif réel, parce qu’on parle de détournement. S’il y a eu détournement, il faudrait bien que cela soit porté à la connaissance de la population de Siguiri. Quand on dissout comme ça sans rien expliquer à la population, alors que c’est cette population qui a fait élire ledit conseil communal, ça sera une confusion. Donc, je voudrais que le gouvernement clarifie bien les choses. S’il il y a eu détournement, qui a détourné ? Quel est le montant qui a été détourné ? Qui détient la somme détournée ? Mais quand on procède à une simple dissolution sans parler des motifs et de les porter à la connaissance de la population, ça devient compliqué.
Vous voulez donc une transparence sur la question ?
Il faut de la transparence autour de l’affaire. Sinon les gens penseront que c’est un règlement de compte.
Le préfet de Siguiri qui a coiffé un jeune candidat au baccalauréat a été révoqué de ses fonctions par le président de la transition. Quel commentaire avez-vous à faire ?
C’est quand même extraordinaire parce que je crois que le préfet a agi en éducateur. Mais lui-même ne devrait pas prendre le ciseau pour coiffer le jeune en question. Parce qu’il y avait assez de personnes là-bas qui pouvaient faire ce travail à sa place. Il a raison de coiffer le jeune mais il devrait passer la main à une autre personne pour coiffer le jeune. Etant le coordinateur de toutes les activités de la préfecture de Siguiri, je crois qu’il (préfet) est grand pour ça. Mais dire qu’il n’a pas raison de coiffer le jeune, celui qui dira ça n’est pas un éducateur. Moi-même j’ai été interpelé par un ami enseignant qui trouve à Kissidougou sur la question. Il m’a dit : Savané, j’ai appris que le préfet de Siguiri a perdu sa place parce qu’il a coiffé un jeune élève ? J’ai dit oui, c’est ce qu’on nous a dit. Il a répliqué pour me dire que lui, en tant qu’enseignant, qu’il s’est toujours opposé que des élèves hors normes suivent ses cours. C’est la déclaration d’un vieil enseignant. Donc si le préfet a agi de cette manière, je crois qu’il ne devrait pas être victime d’un limogeage. A mon avis, ce n’est pas normal qu’il soit limogé pour ça.
Maintenant qu’il est limogé, qu’est-ce que vous souhaiteriez que la transition fasse?
Je ne propose rien. Ce sont eux qui l’ont nommé, ce sont eux qui l’ont enlevé. Je précise que je ne connaissais même pas ce préfet. Donc je n’ai aucun conseil à donner. Je dirai néanmoins que ce que ce préfet a fait n’était pas mauvais. S’il a été limogé pour ça, c’est une manière d’encourager ceux ou celles qui veulent faire de la délinquance un métier. Et ce n’est pas du tout bon pour l’avenir de notre jeunesse.
Le cadre de concertation et de dialogue inclusif s’est ouvert hier à Conakry. Au début, il y avait des soucis parce que beaucoup de partis politiques disaient qu’ils n’allaient pas participer pour la simple raison qu’on parle de cadre de concertation. Qu’ils demandent un cadre de dialogue. Quelle lecture faites-vous de ce début de travail ?
D’abord, je demande à tous les partis politiques d’être là-bas. C’est mieux d’être présent et si ça ne marche pas, ils peuvent quitter. Mais s’ils disent qu’ils ne viennent pas, je ne comprendrais pas cela. Qu’ils aillent à cette rencontre parce qu’il sera question de parler de la vie de la nation. Je voudrais donc que toutes les parties prenantes y participent et que le gouvernement accepte de prendre en compte leurs différentes propositions.
Pour participer audit dialogue, votre parti (RPG Arc-en-ciel) a posé des préalables dont la libération de ses responsables emprisonnés. Vous êtes d’avis ?
Je crois que vous voulez tout simplement me provoquer (rires…). Vous savez bien que j’ai démissionné du RPG Arc-en-ciel depuis septembre 2020. Et je ne suis pas revenu sur ma démission. Ce qui veut dire que ma démission reste et demeure. Je n’ai pas de commentaire à faire sur cette question pour la simple raison que je ne suis plus de ce parti politique (RPG Arc-en-ciel). Je précise que je ne prendrai plus le micro pour un autre parti politique, et je ne suis plus du RPG.
Le FNDC a suspendu sa manifestation pacifique pour donner une chance au dialogue. Votre réaction…
Manifestation pacifique ou pas, le FNDC doit mettre de l’eau dans son vin. Parce qu’actuellement, je connais un peu mon pays. Quand on va organiser une manifestation pacifique, finalement, les gens vont venir aggraver la situation en cassant les choses. Et ceux qui ont organisé la manifestation seront tenus responsables de ces casses. Ce que je voudrais, c’est qu’ils (membres du FNDC) aillent d’abord au dialogue avant d’aller dans la rue. Si toutefois ce dialogue ne donne rien, en ce moment ils peuvent envisager des manifestations.
Le leader de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, convoqué par la CRIEF, est absent du pays depuis un bon moment. Qu’avez-vous à dire par rapport à ce dossier qui fait beaucoup de bruits en Guinée ?
Si Cellou Dalein Diallo est coupable de quelque chose, je crois qu’il doit répondre à la convocation. Mais si c’est parce qu’il a été Premier ministre sous Lansana Conté, ils [les autorités militaires] doivent bien voir d’abord les choses. A ce que je sache, c’est que le gouvernement actuel n’a pas succédé à un gouvernement dont Cellou Dalein a été membre. En principe, c’est le successeur qui rend compte et non les membres des anciens gouvernements qui ont quitté il y a plus de 15 ans. Si tu demandes des comptes à un ancien ministre qui a quitté il y a plus 10 ans, ça sera un règlement de compte. Pourquoi le président Dadis Camara n’a pas demandé des comptes à l’ancien ministre N’faly Sangaré sous le président Ahmed Sékou Touré ? C’est le dernier gouvernement qui rend compte au nouveau. Vouloir laisser ce principe et aller s’attaquer aux anciens gouvernements, ça devient un peu flou dans la tête de tout le monde. Si c’est parce qu’il (Cellou Dalein) a géré sous Lansana Conté qu’on le convoque, je pense que ce n’est pas la peine. Sinon ça serait un règlement de compte.
Propos décryptés par Youssouf Keita
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Last modified: 28 June 2022