La junte au pouvoir au Tchad depuis la mort du président Idriss Déby, tué il y a dix mois au front contre la rébellion, entamera dimanche au Qatar des négociations longtemps retardées avec d’innombrables groupes rebelles.
Ce « pré-dialogue de Doha » promis depuis de longs mois et initialement prévu le 27 février, avait été repoussé à la dernière minute au 13 mars.
« Le Qatar sera l’hôte des pourparlers de paix tchadiens dimanche 13 mars », a annoncé à Doha le Dr Mutlaq Al-Qahtani, représentant spécial du ministre qatari des Affaires étrangères pour le Contreterrorisme et la Médiation dans la résolution des conflits.
Mais la cérémonie d’ouverture se déroulera sans une partie importante des 84 chefs et cadres de 44 groupes armés invités, selon un membre de la médiation tchadienne, qui n’ont pu encore quitter leurs repaires en Libye, au Soudan ou leur exil plus lointain encore, parce que leur documents de voyage ne sont pas arrivés à temps.
Un chef rebelle contacté par téléphone a assuré à l’AFP que des organisateurs lui ont dit « qu’être présent à l’ouverture n’était pas une obligation et qu’il y avait une certaine élasticité ».
Le but affiché par le général Mahamat Idriss Déby Itno, 38 ans, fils du chef de l’Etat défunt et autoproclamé le 20 avril 2021 président de la République à la tête d’une junte de 15 généraux, est de parler à « tous » les rebelles, y compris leur alliance la plus puissante, le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), accusée d’avoir tué son père.
« Elections démocratiques »
Il veut aussi amener les nombreux groupes armés qui ont harcelé feu le maréchal Déby, parfois jusqu’aux portes de son palais présidentiel, pendant les 30 années durant lesquelles il a régné d’une main de fer, à la table d’un « Dialogue national inclusif » prévu le 10 mai avec les oppositions politiques et armées.
Un forum censé préparer des élections « libres et démocratiques », promises par Mahamat Déby le jour de sa prise du pouvoir, dans un délai de 18 mois renouvelable une fois.
C’est cet engagement qui a permis à la communauté internationale – l’allié français en tête – d’adouber aussitôt le nouvel homme fort du Tchad quand elle vilipendait et sanctionnait les auteurs d’autres coups d’Etat en Afrique. Sans nul doute parce que l’armée tchadienne est un pilier essentiel de la coalition qui combat les djihadistes au Sahel.
Les rebelles ont exigé comme préalable notamment une restitution de leurs biens « spoliés« , une amnistie générale et la libération des « prisonniers de guerre », ce que la junte a commencé de faire mais en excluant encore nombre d’entre eux, notamment les membres du FACT.
A Doha, des diplomates ont évoqué au total 130 participants. Avec autant de voix potentiellement dissonantes entre groupes souvent rivaux voire ennemis, les négociations s’annoncent ardues.
« Simulacre d’accord »
Mercredi, à quatre jour de l’ouverture, Mahamat Déby a remplacé le comité chargé de la médiation, dirigé par l’ancien président (1979-82) Goukouni Weddeye, personnalité respectée et neutre, par une équipe emmenée par le ministre des Affaires étrangères Cherif Mahamat Zene.
Au grand dam des principaux chefs rebelles, qui disaient avoir entière confiance en M. Weddeye et voient d’un mauvais œil la médiation échoir à un ministre autrefois proche du maréchal Déby et reconduit dans un gouvernement nommé par son fils. Mais aucun des leaders contactés par l’AFP ne boycottera Doha.
« Nous avions dit que M. Weddeye était l’homme qu’il fallait en raison de sa probité et de son expérience. Cette façon de faire crée beaucoup de confusion », a commenté au téléphone pour l’AFP le chef du FACT, Mahamat Ali Mahdi. « Mais pas question de pratiquer la chaise vide, le FACT sera présent », a-t-il martelé.
Un autre puissant chef rebelle s’est montré très pessimiste, « car 90% des membres du comité de médiation sont contre le dialogue, ils ne viennent pas pour la paix, ils ont déjà un accord pré-écrit qu’ils feront signer à ceux qui veulent rentrer au pays ».
« Le dialogue de Doha permettra à certains qui n’ont pas d’hommes sur le terrain de signer un simulacre d’accord pour pouvoir rentrer au pays », renchérit un autre, toujours anonymement car tous assurent avoir reçu la consigne des organisateurs de ne pas parler publiquement avant Doha.
« En dehors de garantie sécuritaire qu’on va leur donner pour participer au Dialogue national inclusif et de la restitution de leurs biens confisqués, il ne faut pas s’attendre à une évolution politique majeure », admet aussi anonymement un membre de la délégation gouvernementale.
AFP
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Last modified: 13 March 2022