Par Youssouf Sylla. Avoir une Influence géopolitique majeure dans son « étranger proche » composé d’anciennes Républiques soviétiques (Biélorussie, Ukraine, Moldavie, etc.), et des garanties sécuritaires solides face à l’extension de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans les anciens États satellites de l’URSS en Europe de l’Est (Roumanie, Pologne, etc.) pendant la guerre froide (1945-1991), sont en effet les deux grands objectifs de la Russie en envahissant ce 24 février tôt le matin, l’Ukraine. Une Ukraine, qui veut définitivement basculer dans le camp occidental, en intégrant l’Union européenne et l’OTAN.
Malgré l’unité affichée du camp occidental derrière les États-Unis, il est difficile de s’attendre à une riposte armée de l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Les occidentaux se limitent pour l’instant aux simples sanctions économiques sévères. La Russie héritière de l’Union soviétique est en effet une énorme puissance militaire dotée de l’arme nucléaire. Considérée comme une arme stratégique et de dissuasion par excellence en raison de son pouvoir égalisateur, l’arme nucléaire tend à faire respecter son détenteur et à empêcher son agression par un adversaire, même puissant. Rien ne pouvant protéger efficacement cet adversaire contre une riposte militaire nucléaire, celui-ci aura raisonnablement tendance à éviter d’être le premier à attaquer un État doté d’armes nucléaires. Ainsi, une des principales caractéristiques de l’arme nucléaire est la prévention de la guerre entre États qui en sont dotés.
Compte tenu de l’exclusion logique d’un conflit nucléaire, il faut donc s’attendre à un retour sur la table de négociations entre Russes et Américains pour trouver une issue à la présence militaire de la Russie en territoire Ukrainien. Une solution qui éludera difficilement les garanties sécuritaires exigées par la Russie à cause de sa peur d’être « encerclée » par l’OTAN d’une part et d’autre part, du sort des communautés russophones en Ukraine et dans les autres anciennes Républiques soviétiques, aujourd’hui indépendantes.
Toutefois, la crise idéologique entre l’occident et la Russie sur les sujets sécuritaires, économiques et politiques dans le monde prend des formes de plus en plus inquiétantes. L’Ukraine est un cas parmi tant d’autres.
Les conséquences de cette crise seront nombreuses entre la Russie, décidée de renouer avec sa gloire d’autrefois, et l’occident (les États unis en tête), résolu à maintenir son leadership dans la direction des affaires mondiales depuis la fin de la guerre froide. En clair, la crise russo-occidentale expose à quatre conséquences majeures possibles.
La première conséquence est le risque de relance de la course aux armements qui avait pris une courbe descendante depuis la fin de la guerre froide à travers notamment la signature d’importants accords de réduction et de limitation des armes stratégiques offensives entre la Russie et les États unis. A ce titre, on peut citer le Traité START II signé à Moscou le 3 janvier 1993 par la Russie et les États unis.
La deuxième conséquence est le risque de retour de grandes rivalités entre les nations dotées d’armes nucléaires, comme ce fut le cas dans les cinquante années qui ont suivies la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945. La réapparition de cette rivalité aura inévitablement des effets. Le premier est la consolidation des liens entre les États membres de l’OTAN par la prise au sérieux des menaces que représentent la Russie et la Chine au leadership occidental en Europe et dans le monde. Le second est l’accélération ou le renforcement des liens de coopération de toutes sortes, y compris sur le plan militaire, entre la Russie et tout pays (en premier lieu la Chine) qui a en horreur la suprématie de l’occident dans les affaires mondiales.
La troisième conséquence est le risque d’apparition et de prolifération dans le monde, plus particulièrement dans les pays vulnérables, des conflits derrière lesquels, se joue une forte rivalité entre la Russie et le monde occidental. L’Afrique connait déjà cette situation, en République centrafricaine et au Mali, avec la présence des paramilitaires russes du groupe Wragner.
Enfin, une dernière conséquence pourrait être liée à la mise en place, entre les puissances opposées à la suprématie de l’occident, d’un système financier international parallèle, permettant de passer outre les sanctions financières occidentales.
Au final, la crise russo-occidentale montre que la « paix universelle » tant rêvée par le philosophe allemand, Emmanuel Kant, n’est pas pour demain. Et qu’on est encore très loin de la « fin de l’histoire » annoncée par l’économiste américain, Francis Fukuyama. Ce dernier croyait, à tort, que la victoire du monde libéral sur le monde socialiste faisait des démocraties libérales « la forme finale de tout gouvernement humain ». De la fin de la guerre froide dans les années 90 à nos jours, malgré les progrès de la démocratie dans le monde, il est difficile de parler de l’uniformisation des régimes politiques de différents États sur le modèle démocratique occidental. On voit au contraire des pays, en tête desquels, il y a la Russie, la Chine et la Turquie, pour ne citer que ceux-là, animés de la volonté de résister vigoureusement à la démocratie libérale et prêts à concurrencer les pays occidentaux partout sur la planète. L’objectif ultime de toutes ces démarches étant de changer l’ordre mondial post guerre froide jusque là dominé par l’Occident.
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Last modified: 25 February 2022