Si beaucoup estiment que l’occident est la meilleure destination pour la réussite, d’autres ne sont pas de cet avis et le font savoir à travers les actions qu’ils entreprennent. Face aux nombreuses conséquences et les risques de l’immigration irrégulière, de nombreux jeunes optent de plus en plus pour l’entreprenariat. Ils sont Guinéens, Togolais et Camerounais, tous ont décidé d’entreprendre. Nous les avons rencontrés chacun dans sa petite entreprise.
A quelques 100 mètres de la route Le prince, se situe au quartier Bantouka un restaurant d’une capacité d’accueil de 10 places plus une petite chambre pour gérant. Cet espace qui offre plusieurs variétés de plats notamment shawarma, fataya, hamburger entre autres est une propriété d’un jeune guinéen de 22 ans. Ici, le prix du mangé varie entre 7 000 GNF et 20 000 GNF.
Etudiant en Licence 2 mathématiques et physique à l’institut supérieur des sciences de l’éducation de Guinée (ISSEG) de Lambadji, Lancinet Mansaré communément appelé ‘‘Lasso’’ a décidé d’ouvrir ce restaurant pour non seulement être autonome financièrement, mais aussi pour pouvoir faire face à ses besoins.
« Face au chômage qui prend des proportions équitantes dans notre pays, j’ai pensé à faire quelque chose qui peut m’aider à faire face à mes petits besoins. Depuis quelques années déjà, je passais dans les familles pour donner des cours de révision. Cela m’a permis d’économiser plus de 5 millions de francs guinéens au fil du temps. Ici dans le quartier, j’ai remarqué qu’il y a le plus souvent des problèmes de manger. Je me suis donc dit d’investir cet argent en ouvrant ce restaurant et voir à la longue qu’est-ce que ça va donner car personnellement, j’ai l’amour pour l’entreprenariat. J’aime pas travailler pour les gens mais pour moi même», précise Lancinet Mansaré.
Si beaucoup prennent la méditerranée pour rejoindre l’Europe avec tous les risques possibles, Lancinet Mansaré pense qu’on peut bien réussir en Guinée avec un minimum de volonté : « Je déplore le fait que l’occident soit devenu pour beaucoup de jeunes la seule destination pour eux de réussir. Je connais des amis qui ont tenté cette aventure avec 5 millions et comme résultat, c’est les tortures pour les plus chanceux et parfois la mort pour les malchanceux. Aujourd’hui, c’est avec 5 millions que j’ai pu ouvrir ce lieu. Je l’ai ouvert depuis un mois déjà. Pour le moment, la recette journalière varie entre 100 000GNF, 150 000GNF et parfois 180 000GNF. J’ai pour le moment un seul employé et on évolue ensemble».
Lancinet Mansaré ne cache par ailleurs ses ambitions : «Avec ce restaurant, ça va être une première expérience. Je compte à la longue investir dans le domaine du sport par la grâce de Dieu. Je n’ai rien contre ceux qui empruntent la route de l’immigration mais je crois qu’en restant ici et en entreprenant on devient non seulement autonome mais sur un autre volet on contribue au développement de notre pays. J’ai des amis qui sont en occident, ce qu’ils ont refusé de faire ici comme boulot, c’est ça qu’ils font chez les autres. Les choses sont difficiles partout mais avec la volonté, on peut réaliser beaucoup de choses. »
A l’image de ce jeune guinéen, plusieurs autres jeunes de différentes nationalités africaines vivent en Guinée et par le biais de l’entreprenariat, ils arrivent à se prendre en charge et à payer leur propre loyer. Au quartier petit Simbaya en allant à Nongo, sur la T3 dans la commune de Ratoma, nous rencontrons deux jeunes togolais. Yves Ayi et Victor Hemazro estiment que les jeunes ont tout pour réussir chez eux. Pour eux, rejoindre coûte que coûte l’occident n’est pas la solution.
Agé de 35 ans, Yves Ayi vit en Guinée depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, il a créé sa propre entreprise nommée Lumen Energy Solutions-Sarl. Cette entreprise est une structure d’énergie solaire créée depuis 2018. La spécialité de cette entreprise est l’installation des panneaux solaires. En fonction de la demande, il peut employer entre 15 et 20 personnes.
« Ici en Guinée et à Conakry particulièrement, je parviens à faire face à beaucoup de besoins par le fruit de ce que je gagne grâce à cette entreprise. » nous confie Yves Ayi.
Pour lui, la solution n’est pas forcément en occident. Selon le jeune homme, ceux qui tentent l’expérience de l’immigration irrégulière mobilisent de l’argent avant de se lancer dans cette aventure. Une somme qui peut bien servir à entreprendre en Guinée.
« Vous verrez toujours que ceux qui tentent l’immigration irrégulière mobilisent des millions. La question que je me pose est de savoir pourquoi ne pas investir avec cette somme d’argent que d’aller chercher la mort dans la mer ? Il y a bien de choses qu’on peut faire en restant ici en Guinée. Personnellement, j’ai essayé beaucoup de choses. J’étais dans un service de livraison. Une entreprise que j’avais créée. Je l’ai gérée durant six mois. Après toutes les dépenses, c’est-à-dire en enlevant le salaire des employés, je gagnais 500 000 GNF par mois. Je crois qu’avec un peu de volonté, on peut faire beaucoup de choses qui peuvent nous apporté de l’argent » ajoute-t-il.
Quant à Victor Hemazro, il évolue dans un autre domaine. Styliste et modéliste, le jeune homme de 23 ans évolue dans le domaine de la couture. Il a rejoint sa tante à Conakry après cinq ans de formation à Lomé.
« J’ai trois ans ici en Guinée. C’est au terme de ma formation que ma tante qui vit ici à Conakry m’a demandé de la rejoindre pour travailler ensemble par ce que nous avons tous deux appris la couture à Lomé mais elle, elle a un peu duré ici. Je suis donc venu et pour le moment ça évolue petit à petit car nous parvenons à faire face aux besoins fondamentaux de la famille », souligne Victor Hemazro.
Pour le jeune styliste-modéliste, la solution n’est pas l’immigration irrégulière. « Personnellement, tout ce qui est illégal ne me plaît pas. Et sincèrement, je ne pense pas que l’immigration irrégulière soit la voie de la réussite. Moi je ne suis pas Guinéen mais à travers ma petite expérience ici, je pense qu’il y a de quoi faire dans ce pays. Il faut juste chercher savoir ce qu’on sait faire et mettre cela en valeur et se mettre surtout au travail. Je ne Suis pas contre ceux qui tentent l’expérience de l’immigration car moi-même c’est ce qui m’a emmené ici en Guinée mais je pense que tout doit se passer dans les normes. Mais une fois encore, il y a bien de possibilités de réussir ici. »
Si Lancinet Mansaré a opté pour la restauration, Yves Yvi dans le secteur de l’énergie, Victor Hemazro dans la couture, Bitep Louis Armand la quarantaine évolue quant à lui dans le domaine de l’éducation et dans la formation des jeunes. Ce Camerounais d’origine a ouvert son propre cabinet de formation à Lambadji et grâce aux fruits de son entreprise, il s’est marié et est aujourd’hui père d’un enfant. Pour lui, non loin d’être une opportunité pour la Guinée, l’immigration irrégulière est même un handicap.
Bitep Louis Armand croit bien aux chances de réussite en Guinée : « Moi j’ai opté pour rester en Afrique. Et ici en Guinée, il y a bien de possibilités de réussir. Après mes études en médecine à l’Université Gamal Abdel Nasser, je ne suis pas resté les bras croisés. Je me suis d’abord lancé dans l’enseignement et par la suite j’ai ouvert un cabinet de formation. Je donne les formations aux jeunes. Les formations axées sur le développement personnel notamment. Et parallèlement, je donne les cours dans certaines universités de la place. »
Face à la problématique de la migration irrégulière, Bitep Louis Armand pense que les jeunes devraient savoir qu’on peut bien réussir chez soi même s’il estime que beaucoup ne soient pas outiller pour croire à ces chances de réussir et à avoir une vie meilleure en Guinée : « La plupart des jeunes aiment quitter leur pays pour l’occident alors qu’en Afrique on peut bien s’en sortir. On peut bien s’en sortir chez soi. Mais le véritable problème c’est qu’on n’est pas outillé pour voir clairement qu’on peut s’en sortir chez soi», martèle Bitep Louis Armand.
Lancinet Mansaré, Yves Ayi, Victor Hemazro et Bitep Louis Armand ne sont pas les seuls à prendre comme chemin de bataille l’entreprenariat. Comme eux, beaucoup d’autres jeunes guinéens et non guinéens vivant en Guinée parviennent aujourd’hui à faire face aux nombreux défis du monde actuel en restant en Guinée et non en empruntant le chemin de l’immigration irrégulière. Comme pour dire qu’on peut bien vivre heureux chez soi. Le tout est une question de volonté et détermination dans ce qu’on fait.
Robert KANTAMBADOUNO
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Last modified: 16 September 2021